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vendredi 19 Avr 2024
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Société

Qui donc arrêtera l’hécatombe sur les routes du Sénégal ? Par Colonel Moumar Gueye

Le mal du ravage des transports publics persiste et perdure! La tragédie des accidents de la route décime de plus en plus notre peuple! Le quotidien national le Soleil du 4 août 2021 s’est écrié devant l’hécatombe routière qui se chiffre à 1836 accidents en 7 mois! L’accident survenu récemment dans le Fouta sur l’axe Taredji-Ndioum vient encore une fois, de faire 12 morts et plus de 20 blessés!

Durant ma carrière de forestier dans la lutte contre le « feu de brousse », notre slogan le plus performant en langue nationale Wolof était celui-ci: « Fu daay tàkk nit a fa jaar » (Il n’ y a pas de feu de brousse sans présence de l’homme). La même affirmation impérative est plus que valable pour les transporteurs et conducteurs automobiles sur les routes de notre pays. Le dicton wolof nous le rappelle en ces termes: « Fu nit faatoo ci tali, nit a fa jaar » (L’homme est responsable de tout mort sur la route).

En effet, au Sénégal, le parc automobile destiné au transport en commun est majoritairement constitué de véhicules d’une médiocrité et d’une inaptitude technique terrifiante! Il y a quelques années, j’ai eu à dénoncer les « bus de la mort » qui tuent tout et détruisent tout sur toutes les routes de notre pays.

Il s’agit de ces vieux tacots qui, contrairement aux bus « Pullman » sûrs, beaux et confortables que les professionnels du transport touristique offrent aux usagers, sont de véritables tombeaux roulants. J’ai souvent parcouru l’axe Dakar – Saint-Louis et Dakar – Diourbel depuis plusieurs années, sans souci majeur. Mais tout a changé depuis l’arrivée massive de ces vieux bus réformés et indésirables sur les routes européennes et qui en dépit de leur état de délabrement avancé, débarquent au Port de Dakar et sont utilisés au Sénégal pour le transport public de voyageurs. Ainsi, nos routes se baignent de sang humain presque quotidiennement et sont jonchées de cadavres d’hommes, de femmes et de bétail sans berger.

Ce sont ces bus et véhicules similaires qui traversent quotidiennement, en toute vitesse et impunément les agglomérations très peuplées à l’intérieur du pays. Ces conducteurs ne respectent presque jamais le Code de la route! En plus, ils ne sont pas physiquement préparés et mentalement prêts pour prendre en charge et en toute responsabilité, la sécurité de dizaines de vies en voyage sur les routes du Sénégal.

Très souvent, ces poids lourds sont conduits par des gamins écervelés, inconscients et incompétents. Ils pensent souvent qu’une cigarette, un verre de café, de thé ou autre breuvage supposé tonifiant peut les aider à vaincre le sommeil et la fatigue. C’est ainsi qu’au volant de leurs guimbardes ils affrontent sans science ni conscience les dangereuses contraintes qui sillonnent les voyages. Ces jalons de la mort sont : la distance, les pièges de la route, la fatigue, la chaleur, le sommeil, l’obscurité, les orages, les animaux errants, les arbres déracinés, les vents violents et les flaques d’eau qui attendent au tournant les conducteurs imprudents, imprévoyants et téméraires qui jouent avec la vie des personnes qu’ils croisent ou transportent à bord.

À l’époque, tout le monde semblait se réjouir de la présence de ces bus de récupération qui pourraient positivement remplacer les « 508 » plus connus sous le nom de « Ndiaga Ndiaye » et les « Super » ou autres « cars rapides » qui devraient être envoyés à la casse.

Malheureusement, la plupart des propriétaires de ces véhicules s’empressent d’acheter en Europe ces vieux bus et les introduisent au Sénégal, les rafistolent sommairement en prenant soin d’y installer des échelles, un porte-bagages, des sièges supplémentaires de fortune, tout cela pour augmenter le nombre de passagers et l’espace bagages, afin de gagner le plus d’argent possible et à tout prix.

Ces propriétaires véreux ne se rendent pas compte qu’en agissant de la sorte, ils rendent leur bus instable et hors-norme, donc dangereux et difficilement maîtrisable. Ainsi, ils s’empressent de se faire délivrer des documents administratifs souvent douteux et discutables et embauchent un marmot d’une vingtaine d’années. C’est ce petit garçon sans conscience qu’ils installeront au volant du mastodonte. Ce jeunot immature, ignorant et indiscipliné, va se jeter sans méfiance sur les routes de notre pays, sans mesurer les conséquences tragiques de sa responsabilité. La vérité est que la plupart des propriétaires de véhicules de transport en commun préfèrent recruter des « étrangers » souvent peu exigeants sur leurs émoluments et prises en charge sociale. Avec ces bambins inconscients irresponsables au volant, ils peuvent se permettre de payer des salaires de misère, sans cotisation de retraite ou de sécurité sociale, plutôt que d’embaucher des chauffeurs professionnels, mûrs, sérieux et expérimentés. Par ces comportements irresponsables, certains propriétaires de bus ou d’autres véhicules de transport public, sont les véritables commanditaires de ces hécatombes programmés d’innocents passagers qui empruntent ces moyens de transport sans aucune sécurité. À mon avis, ce sont ces propriétaires irresponsables, les vrais auteurs de ces hécatombes qui déciment notre peuple plus que la Pandémie Covid 19 ! C’est à eux qu’il faut s’en prendre. Ce sont eux qui doivent être tenus pour responsables!

Les mécaniciens et autres vulcanisateurs qui montent dans ces véhicules des pièces de rechange défectueuses et non originales, des courroies usagées, des pneus rafistolés et retaillés ont une grande responsabilité dans l’hécatombe qui décime notre peuple!

Quand par hasard vous empruntez ces bus ou autres « Ndiaga Ndiaye », soyez sûrs que dans quatre-vingt-dix pour cent des cas, vous aurez le malheur de tomber sur un véhicule sale, mal entretenu, conduit par un chauffeur incompétent, indiscipliné et arrogant. Ce chauffeur sera souvent entouré d’« apprentis » encore plus impolis, indisciplinés et parfois très violents. Comme si tout cela ne suffisait pas, ces apprentis trouvent toujours le moyen de s’accrocher comme des singes derrière les bus, quand bien même ce genre de posture acrobatique, inutile et dangereuse n’est pas prévu sur ce genre de véhicule.

Qui donc arrêtera l’hécatombe sur les routes du Sénégal?

Ce sont d’abord les passagers eux-mêmes qui très souvent se laissent faire et traiter comme du bétail sans réagir, sans protester, sans s’opposer ! Ils se contentent naïvement de dire « Yalla baax na » (Dieu est grand). Ainsi, la plupart d’entre eux finissent leur voyage au cimetière par la faute d’une bande de malfaiteurs (transporteurs, conducteurs, « koxeurs » et apprentis) uniquement guidés par l’appât du gain facile.

Qui donc arrêtera l’hécatombe sur les routes du Sénégal? Ce sont les propriétaires de ces véhicules dangereux qui sèment le deuil et la désolation dans les familles et partout où ils passent. Ce sont ces patrons qui installent au volant de ces engins de la mort, des bambins incompétents, indisciplinés et inconscients. Ils peuvent arrêter le massacre s’ils le veulent ou s’ils y sont contraints par la force de la loi et de la répression !

Qui donc arrêtera l’hécatombe sur les routes du Sénégal ? C’est vous autres dirigeants des syndicats de transport terrestre. Votre rôle ce n’est pas d’agir dans la complaisance pour bénéficier des suffrages, du soutien et des faveurs de votre syndicat! Votre rôle ne consiste pas à vociférer dans les radios et télévisions en vous érigeant en avocat des chauffeurs et transporteurs, même s’ils sont manifestement fautifs par négligence, par imprudence, par inattention ou par inobservation des lois et règlements!

Votre rôle ce n’est pas de menacer et d’intimider l’État par des grèves fantaisistes même quand vous avez tort! Au nom de l’éthique et de l’orthodoxie syndicales, vous avez l’obligation morale de dire la vérité aux membres de vos syndicats! Vous devez les éduquer, les former, les informer et les sanctionner quand ils sont fautifs ou quand ils mettent en péril leur propre vie ou celle des autres usagers de la route.

Qui donc arrêtera l’hécatombe sur les routes du Sénégal ? Ce sont également les autorités détentrices du pouvoir républicain qui doivent filtrer et sélectionner les véhicules aptes à assurer le transport des voyageurs, ainsi que les conducteurs autorisés à les conduire. Oui, c’est bien une obligation de l’État de faire appliquer les lois et règlements de la République en la matière. Il s’agira de prendre des mesures préventives en plombant les systèmes d’accélération de ces véhicules afin de limiter leur vitesse à 80 km/heure et empêcher ainsi les conducteurs écervelés et inconscients, de rouler à tombeau ouvert au risque de transformer la route en hécatombe.

Pour terminer, je voudrais affirmer que c’est un devoir de haute portée civique pour tous les patriotes dignes de ce nom, de se mobiliser avec détermination, pour mettre fin aux pratiques de ces professionnels du gain facile, afin qu’ils arrêtent de transformer la route en abattoir d’êtres humains, avant de nous y envoyer à notre tour, si nous n’y prenons pas garde.

Enfin, que l’on arrête à jamais, d’accuser Dieu le Clément et le Miséricordieux de nous ôter la vie de manière aussi violente, aussi absurde et aussi sanguinaire! Qu’on arrête de nous tympaniser avec des « Yàllaa ka dogal » (c’est la volonté de Dieu). Dieu n’a pas besoin d’un vieux bus et d’un conducteur stupide et incompétent pour nous rappeler à Lui. Car à Lui nous appartenons et à Lui nous retournerons. (Innaa lillaa hi wa innaa ileyhi raaji uun).

Moumar GUEYE

Écrivain

Ambassadeur de la Paix

Grand-Croix de l’Ordre du Mérite

Email: moumar@orange.sn

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