Par la loi n° 2015/09 du 04 mai 2015 qui est entrée en vigueur le lundi 4 janvier 2016, l’Etat du Sénégal vient de procéder à l’interdiction des sachets en plastique de faible micronage (moins de 80 microns) ou sachets à bretelle connus sous le nom de « Mbouss plastique ». L’application de cette loi a coïncidé avec la campagne de lancement de la semaine nationale de ramassage des déchets plastiques sur toute l’étendue du territoire.
Rappelons que le plastique, fabriqué à partir du pétrole, a envahi notre quotidien car il a permis de remplacer les matériaux de base comme le bois, le verre, le métal pour la fabrication de plusieurs produits d’utilité publique (emballages, bouteilles, verres, chaises, portes, …).
De surcroit, la production des objets en plastique permet d’économiser de l’énergie (35%), denrée rare de nos jours. Tous ces éléments pris en compte ont permis d’avoir, sur le marché, des produits peu coûteux accessibles aux populations à faible revenu. De nos jours, les populations, de plus en plus conscientes des enjeux environnementaux, ont progressivement « rejeté » le plastique du fait de sa pollution visuelle qui enlaidit le cadre de vie, de ses impacts sur la biodiversité et la pollution de l’air qu’il occasionne quand il est brûlé, comme c’est souvent le cas dans les pays en développement.
Cependant, la seule interdiction des « mbouss plastiques » – en laissant en vente les tasses à jeter, les sachets d’eau et les sachets de micronage plus important- associée à des campagnes ponctuelles de ramassage des déchets plastiques, sera-t-elle suffisante pour nous épargner du péril plastique ?
Qu’allons-nous faire des sachets plastiques collectés lors de la campagne de ramassage quand on sait que ils sont difficilement recyclables industriellement. En effet, la fin de vie des sacs plastiques est particulièrement nocive pour l’environnement : il apparaît que leur recyclage n’est pas rentable d’un point de vue écologique et économique. Les sacs plastiques seraient trop légers pour être recyclés, et leur recyclage consommerait plus de ressources qu’il n’en restituerait.
Pour les utilisateurs des sachets plastiques, avions-nous bien réfléchi en amont aux solutions de substitution ?
La typologie des déchets plastiques au Sénégal
On trouve plusieurs types de déchets plastiques au Sénégal :
– les sachets plastiques de tout type qui sont fabriqués à partir de résines de base comme le polyéthylène (PE) et le polypropylène (PP)
– les bouteilles d’eau transparentes ou colorées qui sont fabriquées à partir du Polyéthylène Téréphtalate (PET),
– les bouteilles de lait ou détergent sont faits en PEHD (Polyéthylène Haute Densité)
– les tubes en PVC (Polyvynilchloride)
Le recyclage des déchets plastiques
Le plastique est une matière difficile à recycler car ce n’est pas un matériau unique. Il existe plusieurs façons de recycler des déchets plastiques :
• La valorisation matière qui concerne les bouteilles, bidons, flacons, chaise, etc. A partir de ce type de déchets, on peut produire des granulés qui seront réinjectés dans la chaine de production. Certains industriels du plastique comme la SIMPA sont très impliqués dans cette démarche de recyclage.
• La valorisation énergétique qui peut concerner les sachets plastiques et les pneus usés. Elle consiste à utiliser la chaleur dégagée par la combustion de ces déchets incinérés qui dégagent des biogaz permettant ainsi la production d’électricité ou de réseaux de chaleur. Les cimenteries sont les plus grands utilisateurs mais il faudrait qu’elles soient dotées de filtres pour éviter toute pollution de l’air qui serait plus dommageable que la pollution par les déchets plastiques.
• La valorisation chimique qui consiste, par des traitements appropriés, à redonner les constituants de base, c’est-à-dire soit les monomères de départ, soit le produit pétrochimique de base (le pétrole raffiné et distillé). Elle est très technique et coûteuse.
Autres voies de recyclage
La première solution que nous proposons, consiste à recycler les plastiques pour en faire des matériaux composites. Solution qui nécessite une recherche de laboratoire au préalable. L’idée de base est de mélanger de la résine vierge de plastique avec des déchets plastiques selon des proportions prédéterminées et, en y ajoutant des additifs qui permettront aux produits mis sur le marché d’avoir des propriétés physiques et chimiques aussi bonnes que les produits fabriqués à partir de la résine vierge. Pour l’esthétique et pour lutter contre l’inflammabilité des objets d’usages mis sur le marché, on peut incorporer dans la formulation du copeau de bois et de l’argile, on va alors vers la nanotechnologie.
La deuxième solution consiste à « séquestrer les déchets plastiques » (surtout les sachets plastiques). La technique consiste à utiliser des pneus usés et des déchets plastiques pour aménager des espaces par la construction d’assises, de tables, des pieds japonais et des pots de fleurs. C’est avec cette technique que la devanture et l’arrière (le bosquet) du rectorat de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) ont été aménagées dans l’amélioration de l’espace universitaire. C’est ainsi que plus de 300 assises, une quinzaine de tables et une dizaine d’aménagements floraux ont été réalisés en recyclant 3000 pneus usés et 500 m3 de déchets plastiques.
Au-delà de la satisfaction des étudiants qui ne cessent de magnifier la démarche du Recteur de l’UCAD dans sa volonté d’assainir l’environnement du campus pédagogique, plusieurs problèmes ont ainsi été résolus :
– environnemental : en éliminant la pollution visuelle due aux pneus usagés et aux plastiques disséminés dans la nature. Ainsi, on préserve la biodiversité dont la destruction menace à long terme la survie de l’espèce humaine,
– sanitaire : car c’est dans les pneus, usagés et stockés à l’extérieur, que les moustiques se reproduisent pendant l’hivernage. On contribue ainsi à l’éradication du paludisme,
– sécuritaire : car on évite que les pneus usés soient brulés pendant les manifestations en les éliminant de l’environnement,
– sociétal : par la création d’emplois (une dizaine d’étudiants ont travaillé sur le chantier) et par la création d’une filière pour les collecteurs de pneus usés et de déchets plastiques,
– la lutte contre le réchauffement climatique. En recyclant le volume de déchets précités et les pneus plutôt que de les brûler, nous avons ainsi évité une émission dans l’atmosphère de 15 tonnes Equivalent-carbone ce qui correspond à 45 tonnes de dioxyde de carbone (CO2).
Il est certain que ce type de projet reproduit à grande échelle, sur toute l’étendue du territoire, permettrait de résoudre la problématique du péril plastique, d’améliorer le cadre de vie des populations, de créer des emplois pour les jeunes dans chaque localité et de surcroît de participer à la lutte contre le réchauffement climatique et de contribuer a l’éradication du paludisme.
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