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vendredi 19 Avr 2024
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Portrait du mois: Laye Diaw ,un domou ndar engagé, musée parlant du foot Ball sénégalais

Si un peuple, un but, une foi est la devise du Sénégal, Abdoulaye Diaw, lui, pourrait avoir la suivante : « un homme, un idéal, un symbole ».

J’ai connu Laye Diaw dans les premières années des indépendances. Il maniait le ballon à la manière d’un poète ou d’un magicien du ballon rond. Il jouait en ce moment avec nos ainés du ‘’Reims de Colobane’’ c’est-à-dire les Diop Noireau, Chimpling, Bâ Demba, etc. Nous étions les disciples de ces grands des Navétanes qui ont joué un rôle déterminant dans le développement du football sénégalais. Il était surnommé Amarildo, du nom de ce fameux avant-centre de l’équipe brésilienne de 1962. Celui qui refusait d’être un remplaçant de Pelé mais voulait simplement être Amarildo. Il fut champion du monde avec les Garrincha, Vava, et tant d’autres.

 Abdoulaye Diaw était un surdoué du ballon rond. Il l’a démontré magistralement avec la Saint Louisienne, l’US Gorée. Malheureusement, il n’a pas franchi les portes de l’équipe nationale, malgré son talent et bien que doté d’une qualité et d’un sens du jeu extraordinaire.

Cette brillante carrière de footballeur freinée en plein élan, il l’a remplacée par une autre, celle de chroniqueur sportif hors-pair, connaissant parfaitement l’histoire du football sénégalais, africain, européen, pour ne pas dire mondial. Ses émissions avec Doudou Diène resteront à jamais gravées dans les limbes de l’histoire, tellement il alliait archives, mémoires, informations et statistiques.

En plus de ce volet sportif, Abdoulaye Diaw est un fervent connaisseur de la musique cubaine et sénégalaise. Qui ne se souvient pas de ses commentaires des tubes du Star Jazz de Saint Louis, du Super Star de Labah Socé, du Star Band de Ibra Kassé, des fameux orchestres de Thiès et de Kaolack ?

La connaissance footballistique de Laye Diaw provient d’abord de son encadrement familial. Son père était un fervent formateur et une école avérée qui a couvé beaucoup d’anciens footballeurs. Son amour pour l’histoire des autres pays n’était pas du tout un hasard : descendant du Ndiawdine Madiaw Khor Yacine Pathé, « SEB ak Baor », ‘’Assemblée nationale du Oualo’’, Abdoulaye Diaw tenait de ses ancêtres cette fibre patriotique qui enflamme les foules en délire et décline des messages trans-temporels qui résistent à la furie du temps.

A l’instar de ses illustres aînés comme Alassane Ndiaye Allou, Ahmed Bachir Kounta, Magib Sène, Golbert Diagne, Pathé Fall Dièye, il apporte et maîtrise parfaitement les murmures polyphoniques et les refrains du premier chant. Sa mémoire fertile sur le football est tout simplement époustouflante. Les grands sommets tels que Africa Sport d’Abidjan, Réveil de Saint Louis, Etoile Filante de Lomé, Jeanne d’Arc de Dakar furent souvent ressuscités avec des hauts faits inoubliables et des joueurs dont les pieds dorés continuent encore d’illuminer les pelouses d’Afrique.

Laye Diaw, dans ses émissions, nous commente les exploits de Baba Yéra, de l’équipe ghanéenne du F.N.L., de Ben Barka, de notre compatriote Serigne Mbaye Fall, capitaine du Réveil de Saint Louis, des tacles et relances de Raoul Diagne, premier Sénégalais international français. Mais la connaissance de Laye Diaw ne s’arrête pas au football africain.

Grâce à lui, en effet, qui ne se souvient pas de cette fantastique équipe de France de 1958 avec les Kopa, Just Fontaine, Jonquet, Piantoni et cette épopée tricolore qui allait échouer face à la magnifique équipe brésilienne version 1958 du phénomène Edson Arantes Do Nascimento dit Pelé, avec Manoel Francisco Dos Santos dit Garrincha ‘’l’oiseau tropical’’ avec les Didi, Vava, Djalma Santos, Nilton Santos, Zito ? Qui savait que Mazzola, blessé en 1958, offrit la chance à Pelé qui devint plus tard « Roi du football » ?

Dans ses commentaires mémoires, Laye nous rappelle la tragédie du foot brésilien au Maracana, le Brésil battu par l’Uruguay avec deux buts de Schiaffino et de Ghiggia. Laye a souvent eu l’occasion de raconter la profondeur de la blessure de Pelé alors jeune admirateur du Brésil. Mazzola, émigra ensuite en Italie sous le nom de Altafini et gagna avec le Milan AC deux « scudetti » (championnat d’Italie) et une Ligue des champions en 1963, appelée alors Coupe d’Europe des clubs Champions et deux autres championnats avec la Juventus.

Grâce à Laye Diaw, la carte internationale révéla aussi les exploits des magnifiques Péruviens Hector Chumpitaz et Théophile Cubillas, du fameux Eusebio du Benfica de Lisbonne et de la magnifique équipe anglaise de la Coupe du monde 1966. Grâce à ses recherches, ses chroniques, sa connaissance du football, Laye Diaw a révélé à nos compatriotes les hauts faits des anciennes gloires nationales comme les Cheikh Thioune, Lô Madièye, Zakaria, Malé, Lamine Coura, Laye Diop, etc.

Laye Diaw est un communicateur sansfrontières. Ses interventions aident la nouvelle génération à mieux comprendre la marche du football mondial. Les faits vécus ou non vécus qu’il raconte sont tissés comme une toile de tisserand. Et dans ses émissions, il n’oublie aucun secteur et aucun acteur du football. Il a parlé des entraîneurs, des arbitres, des dirigeants, des fédérations, des ministres du Sport, de leur réussite mais aussi des lieux et des sélectionneurs comme l’avait fait Allou au Mali avec le différend entre les internationaux et les autorités.

Laye est capable de parler de chaque étape de la vie footballistique d’une équipe nationale. Ses commentaires lui donnent souvent raison. Témoin des hauts faits du football, Laye Diaw est une oasis de connaissances qui a vécu les grandeurs et les décadences de notre football mais aussi du sport mondial. Quel régal quand il décrivait avec minutie les prouesses et exploits des vainqueurs des jeux de l’Amitié 1963 avec les Samassa, Demba Thioye, le « maréchal » Cheikh Thioune, Youssou Ndiaye, El Hadj Malick Sy ‘’Souris’, Soumaré et autres.

Son émission « Nïwon Demb » nous révèle le passé et le présent de notre sport en général, il nous réconcilie avec notre passé et nous présente de nouveau le combat du souvenir de ceux qui ont suivi la mutation jusqu’au sacrifice suprême. Nous souhaitons que cette émission soit diffusée plus tôt car s’adressant aux anciennes gloires et à la nouvelle génération d’autant plus qu’elle est beaucoup suivie par le peuple sénégalais dans sa diversité.

Et Mamadou Samassa de l’ASFA marqua le premier but au stade Demba Diop nouvellement inauguré !

Laye nous a raconté les exploits de mon capitaine de l’ASFA, Mamadou Samassa, premier buteur du stade Demba Diop, de Domingo Mendy, de l’inoubliable Bouba Diakhao alias le « Prince de Thiali », des deux pépites auxquels s’ajoutent Yatma Diouck et Yatma Diop, ce dernier restant pour moi l’un des meilleurs attaquants sénégalais.

Qui ne se souvient pas de Asmara 68 et de cette fantastique équipe qui ébranla la mythique équipe ghanéenne avec les deux Yatma (Diop et Diouck) mais aussi avec feu Doudou Diongue que France Football a surnommé ‘’diamant noir’’ après un certain Nimes Saint-Etienne.

Toujours grâce au micro d’or de Laye Diaw, on se souvient de la génération de footballeurs tels que Matar Niang, Doudou Diongue, Baye Moussé Paye, Ibrahima Coulibaly (mon coéquipier à l’ASFA de 1966), meilleur buteur de tous les temps du championnat sénégalais, Mbaye Fall, Mame Touty, Séga Sakho, Séga Cissé, Christophe Sagna, Bosquier, Malick Diallo, Roger Mendy, Edouard Niakadia, Yamagor Seck, Ndoffène Fall etc…

Qui n’a pas en tête ces hommes du milieu inoubliables (le fameux Louis Camara qui nous rappelle Gerson du Brésil et son complice Louis Gomis, mais aussi le régulateur de charme Cissé Saliou Chita sans compter l’élégant Léopold Diop et le virevoltant Amadou Diop « Boy Bandit » du Jaraaf ?

Qui a oublié les exploits de cette flamboyante équipe de la Linguère avec Badou Gaye, Pelé, Baye Touré, Babacar Bâ, Insa Diagne, Bamba Sano ?

Grâce aux reportages de Laye Diaw, la merveilleuse équipe de la Jeanne d’Arc des années 1970 atteignit les demi-finales de la Coupe d’Afrique avec cette génération de feu formée par les Alpha Touré, François Gomis, Alioune Ndiaye ‘’cheval fou’’, Mamadou Diop Boy Dakar, Ousmane Faye, Thiapé, etc. Je suis fier d’avoir porté ce maillot en 1969 après mon oncle Samba Laobé Sarr des années 50. J’ai appartenu brièvement à cette belle équipe avec comme capitaine Moustapha Dieng, et le gardien de but Amadi Thiam.

Le destin m’a éloigné de cette grande équipe après le match contre le Gaieté Football Club de Saint-Louis à la suite d’une blessure qui mit fin à ma carrière. Ce fait du destin m’a ouvert les portes de l’écriture qui m’a permis d’être à la tête de l’Association des Ecrivains du Sénégal (AES) et de la Fédération Internationale des Ecrivains de Langue Française (FIDELF) et qui me permet de rendre hommage à une icône de la presse sportive mondiale.

Laye Diaw, dans ses reportages, nous replonge toujours dans les grands moments de notre football, de notre histoire et de notre sport en général. En 1975, douanier affecté à Foundiougne, je passais toujours à Kaolack voir mon ami et conseiller Ablaye Diaw pour non seulement discuter avec lui, mais aussi lui emprunter quelques enregistrements du Super Star de Labah Sosseh dont il détenait une collection unique.

Laye Diaw a toujours sublimé les équipes nationales du football sénégalais et africain et leur a inculqué cet esprit de création, de talent et de conquête. Il mérite amplement l’hommage que la nation lui rend à juste titre avec ferveur et patriotisme. Il a joué un rôle déterminant dans la carrière du Malien Salif Keïta dit Domingo, mais aussi de l’ivoirien Laurent Pokou, de l’Algérien Rabah Madjer, des Guinéens Petit Sorry, Chérif Souleymane, Thiam Ousmane Tolo, Maxime Camara mais aussi des pépites marocaines et algériennes (Faras, Belloumi, etc.)

Lorsque j’ai té porté à la tête du comité d’organisation du Fesman, durant les années 2005-2009, mes premières missions au Brésil étaient étroitement liées à l’histoire des footballeurs racontée par Laye Diaw. C’est ainsi que j’eus l’honneur de rencontrer des monuments comme Pelé, Socrates, Tostao, Luis Pereira, Romario, Bebeto, Zairzinho, Luis Pereira, Falcao, etc.

C’est donc le monde entier qui doit rendre hommage à Laye Diaw, une bibliothèque vivante, un musée parlant, restituant les hauts faits du sport roi, le football. Laye qui nous a aussi permis de revivre la Coupe du monde de 1954 avec l’Allemagne qui triompha de la Hongrie des Puskas, Kocsis, Csibor mais aussi des héritiers de 1963 avec les Tichy, Gorocs, Fenyvesi, etc…

L’Association des Ecrivains du Sénégal ne pouvait rester insensible à l’hommage rendu à Laye Diaw car le football est un art de mutation et de création, un art où l’intelligence rejoint l’action des cercles de combativité, de coordination et d’esprit. Ce n’est pas un hasard si beaucoup d’anciens footballeurs fréquentent ‘’Keur Birago’’, le siège des écrivains. Dans ce rappel de l’histoire du football mondial, qui n’a pas été au courant, grâce à Laye Diaw, des hauts faits de la formidable machine à gagner qu’était l’équipe d’Argentine sous régime militaire avec les Kempes, Luque, Ardiles le tango argentin, Daniel Passarella, etc. Personne n’oubliera non plus Diégo Armando Maradona ‘’El Pibe de Oro’’ longtemps comparé à Pelé.

 Je profite donc de cet hommage pour féliciter les initiateurs de ce projet : Moustapha Fall, président du Comité , As Diaw, vice-président, mais aussi notre fils Malal Diagne Junior, notre président et ancien ministre El Hadj Malick Sy ‘’souris’’, cette ancienne gloire du football, mais surtout de la fédération du football.

A son actif, l’épopée des Lions de 2002 avec l’extraordinaire El Hadj Diouf, double ballon d’or africain, feu Pape Bouba Diop, premier buteur sénégalais en Coupe du monde, Salif Diaw, le capitaine Aliou Cissé, Henri Camara, etc. Le Caire 86 fut aussi une belle épopée de l’équipe nationale avec l’extraordinaire gardien Cheikh Seck ‘’le lion volant’’, mais aussi Thierno Youm, Bocandé, Locotte, le capitaine Amadou Diop ‘’Boy Bandit’’, etc…

Laye Diaw est le symbole vivant d’un maître du son et de l’image qui grâce à sa maîtrise, ses connaissances du milieu et des hommes du football, rend ce sport attrayant mais aussi consensuel et pratiquement fraternel. La relève est aussi assurée avec les Moumar Thioune, Assane Sène, Tassirou Diallo, Abdoulaye Diagne, Cheikh Tidiane Diagne, Malal Junior Diagne, Ndèye Fatou Ndoye, Soda Thiam etc.

Cet hommage que je lui rends est essentiellement consacré au football, mais seul un livre avec plusieurs tomes peut permettre de restituer la dimension multidimensionnelle de Laye Diaw, maître du verbe, orfèvre du football et icône du sport universel. Nos chaleureux vœux pour qu’il continue encore très longtemps à bercer nos rêves et hallucinations du football d’hier et d’aujourd’hui incrustés dans les rails de l’espérance qui appellent à la nouvelle vie, pour que les records qui sont faits pour être battus atteignent les plus hauts sommets du football africain. En définitive, les reportages de Laye Diaw sont l’expression d’une symphonie achevée forgée dans l’enclume du talent et de la perfection.

Alioune Badara BEYE

Président de l’Association des Ecrivains du Sénégal

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