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mardi 23 Avr 2024
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Portrait du mois:Feu Golbert DIAGNE , toujours dans nos coeurs et dans nos pensées

Patrimoine culturel de l’ancienne capitale de l’Aof et monument du théâtre sénégalais, « Bara Yeggo », la troupe théâtrale de la ville amphibie de Mame Coumba (Génie tutélaire des eaux), fait toujours la fierté des habitants de la vieille cité. Après le rappel à Dieu de Mame Seye Diop, Serigne Fall, El Hadj Mansour Seck, Thiam Dollar, etc, de nombreux fils et ressortissants de Saint-Louis, souhaitent que cette troupe renaisse de ses cendres. Faire revivre  l’histoire, l’élégance et la manière d’être que trois siècles ont sculpté sur le visage et l’âme d’une ville, voilà la prouesse que Daouda Guissé, Alioune Badara Diagne dit Golbert, Marie Madeleine Diallo, El Hadji Mansour Seck, Serigne Fall, Khady Bâ, Mame Sèye…ont réussi au grand bonheur des téléspectateurs d’alors. Pour les amateurs du théâtre sénégalais qui ont vécu cette époque, « Bara Yeggo » rappelle beaucoup de souvenirs.

« Deuk-Ci-Deuk-Bi-Défardeuk-Bé-Ko-Gueun », (au lieu de se targuer d’être un digne fils de Saint-Louis, il faut plutôt œuvrer pour le développement de Saint-Louis) c’est la devise de Golbert Diagne, qui s’évertue à travers son émission quotidienne « Ndar-Ragne » à expliquer toujours aux habitants de Saint-Louis les voies et moyens à mettre en œuvre pour développer la ville tricentenaire.

Une émission qui permet à Golbert de remettre sur le tapis, à travers des critiques objectives, des suggestions à l’endroit des autorités administratives, municipales, coutumières et religieuses, tous les problèmes qui empêchent la vieille cité de se moderniser.

Son nom est indissociable avec la ville de Saint-Louis. Lui c’est Alioune Badara Diagne, plus connu sous le nom de « Golbert ». Saint-louisien bon teint avant d’être artiste et comédien, directeur de radio …, l’homme ne vit que pour sa ville qui lui a tant donné. « Golbert » qui souffle ses 70 ans en septembre, se définit comme « un serviteur de la nation sénégalaise et un esclave de la ville de Saint-Louis ».

Beaucoup d’hommes ont marqué l’histoire de Saint-Louis, ancienne capitale de l’Afrique occidentale française (Aof), ville de culture, ville à la téranga légendaire. Parmi ceux-là figure « Golbert » Diagne, Alioune Badara Diagne de son vrai nom, qui y a vu le jour en septembre 1941, à l’hôpital colonial. Saint-Louisien bon teint, cet homme aime sa ville, comme le chien aime son maitre. Communicateur chevronné et patriote hors pair, « Golbert » est le premier et même le plus grand défenseur de la vieille cité.

La fièvre du micro

Après ses études coraniques chez feu Serigne Baye Mbaye, puis chez Serigne Ousseynou Sarr, « Golbert » qui a réussi la prouesse de mémoriser le coran à l’âge de 11 ans, ira au contact de l’école française. En 1948, le jeune garçon faisait ses premiers pas à Brière de l’Isle, actuel Emile Sarr. Après son certificat d’études primaires élémentaires, « Golbert » qui s’est cassé le nez à l’entrée en sixième, va malgré ses bonnes notes se retrouver au lycée technique André Peytavin.

Mais ses études, il ne les mènera pas jusqu’à terme. La mouche de la communication l’avait piquée. « Un mois de ramadan, alors que nous étions au tour du bol du diner, j’ai entendu l’éditorial de Lamine Diakhaté qui lançait un appel aux Sénégalais qui avaient une maladie qui ne pouvait être solutionné qu’en Europe », raconte-t-il. Suffisant pour emballer le jeune homme, atteint par le timbre de cette voix, la manière de délivrer le message et aussi le français utilisé.

Et le lendemain matin, au lieu d’aller suivre ses cours, « Golbert » avait préféré se pointer à Radio Saint-Louis, à la Pointe Nord. Adossé au mur du stade Ablaye Diagne, il s’occupait à regarder les gens entrer et sortir avant de rentrer chez lui le soir. Le jeune « Golbert » refusait de retourner au lycée pour la simple raison qu’il voulait devenir journaliste. Ses absences ont été signalées par ses professeurs à son père, qui l’a bastonné, mais rien n’y fit. Finalement, son paternel dut se résoudre à l’aider à réaliser son rêve en l’amenant à la RTS. C’était en mars 1963.

« J’ai été bien accueilli, puis amené à la technique ou j’ai passé quatre ans. Mais, je prenais goût au micro et comme il y avait un studio, je m’y enfermais chaque jour par peur qu’on me découvre et m’amusais à lire des communiqués que les journalistes laissaient par terre. Un jour, j’ai été découvert par Marianne Sy, qui a fait de moi un animateur. Elle m’a obligé ensuite à faire tous les départements de la radio : rédaction, animation, programme, technique … », rappelle-t-il avec un brin de nostalgie. Mais son idylle avec Radio Saint-Louis ne va pas durer, car en 1968, il sera remercié à la suite d’un accrochage avec le gouverneur de l’époque.

La chance ne l’abandonnera pas pour autant. Car, le destin mettra sur son chemin Henry Mendy, alors directeur de l’Agence de presse sénégalaise (Aps). Ce dernier l’a aidé à se relancer, mais dans la presse écrite. A l’Aps, le jeune « Golbert » a été modelé, formé et c’est là-bas qu’il a gagné son premier salaire. Il était de 24.000 francs à l’époque. « J’étais heureux parce que j’avais fait huit ans à la radio sans une piastre. J’ai donné l’argent à mon père qui était tout heureux », se souvient-il.

Une fois bien formé, le jeune reporter retourne à Saint-Louis où il se tourne les pouces, avant d’aller tenter sa chance en Mauritanie. Là-bas, il passera 13 mois et deviendra Rédacteur en chef de la radio nationale. Malheureusement, son aventure mauritanienne ne durera pas. Son père avait opposé un véto à son retour au pays de Moktar Ould Daddah. « Si tu restes en Mauritanie, tu n’auras plus ma bénédiction », lui avait-il lancé. Et « Golbert » n’est pas reparti.

Retour à la case de départ. Il retourne à Radio Saint-Louis et séduit Aliou Fall, qui en était le tout premier directeur. « Un jour, Ahmed Bachir Kounta était absent et on m’avait demandé de présenter le journal. Après l’avoir fait, j’ai eu peur et pris la fuite. Le lendemain, en réunion, le directeur a apprécié et de retour à Dakar, il a pris une décision et m’a donné un acte qui me permettait d’avoir un salaire mensuel de 4.000 francs », raconte-t-il. C’était le déclic.

« Un an plus tard, on m’a embauché avec Abdoulaye Diaw. Avec l’application de la convention des journalistes et techniciens assimilés, on a été intégrés comme stagiaire avec un contrat de 24 mois », révèle-t-il. Tout comme les Alassane Ndiaye Allou, Lamine Diakhaté, Doudou Guèye, Racine Kane, Askoum Guèye, Mamadou Talla, Mamadou Guèye, Salimata Askoum, André Célarié, Henriette Bathily, Ibrahima Dem, Ousmane Mbaye Noël, Henri Gomis, Laye Niang, Balabasse Diallo, Laye Diaw et autres, « Golbert », après une trentaine d’années de bons et loyaux services, est entré dans la légende de radio Saint-Louis et de la Rts. Il termine sa carrière en 1996, après avoir été Rédacteur en chef adjoint, directeur des programmes et chef de station. Mais la communication, « Golbert » l’a dans le sang. Après sa retraite, il a créé sa propre radio : la « Fréquence Téranga », qui a, à ce jour, formé plusieurs journalistes.

Premier serviteur de Saint-Louis

Avant d’être Sénégalais, « Golbert » se veut d’abord Saint-Louisien. Et il s’en glorifie. « En 1981, je me suis rendu compte que tous les Saint-Louisiens partaient à Dakar et que d’autres personnes venaient s’installer à Saint-Louis. C’est ce qui faisait perdre à notre cité sa valeur. Je me suis dit que c’est un combat à mener. C’est ainsi que j’ai créé une émission « Saint-Louis Midi », qui reflète la dignité, le travail bien fait, l’éducation, la religion, les valeurs léguées par nos ancêtres… A « Fréquence Téranga », transvase avec « Ndar Ragne ». Chaque jour, je fais le tour de la ville pour voir l’état des lieux. Je m’intéresse à tout et à midi, j’en fais un bloc d’information en interactivité question réponse », expose-t-il.

La culture, particulièrement le théâtre, a aussi beaucoup contribué à construire la notoriété de « Golbert », qui a eu à le pratiquer dans les années 49-50 à l’école primaire et dans les associations. Mais le déclic, comme il l’explique lui-même, est venu avec Marie Madeleine Diallo et Daouda Guissé à l’occasion d’une tournée du président de la République, Abdou Diouf. « On a vu Babacar Diagne qui nous a envoyé une équipe. C’est comme ça qu’on a démarré la série « Bara Yeggo » et on a réalisé beaucoup de choses par la suite », se rappelle « Golbert » Diagne, tout en faisant remarquer que le genre de théâtre qu’ils faisaient à l’époque est bien différent de ce que les autres font aujourd’hui.

« Nous étions des journalistes, des éducateurs et il nous fallait éduquer sans en donner l’air, être au service de la nation, enlever le stress, unifier le peuple et faire en sorte que tout le monde se sente dans sa peau en regardant un téléfilm après une rude journée de travail », soutient « Golbert » en précisant au passage que « Bara Yeggo », après quelques années de pause, reviendra en force pour crever l’écran.

En dehors de la communication et du théâtre, El Hadji Alioune Badara Diagne organise, depuis 1997, et pendant les deux premiers dimanches du mois de ramadan, des récitals de Coran, aux cimetières Marmyal Thième et Thiaka Ndiaye. « A un moment, je me suis rendu compte que beaucoup de Saint-Louisiens ne savaient pas où se trouvaient les tombes de leurs parents et ne s’occupaient pas des morts. J’en ai donc fait un sacerdoce et aujourd’hui, c’est une action qui se pérennise dans l’agenda culturel et religieux de la ville de Saint-Louis », indique le doyen Alioune Badara Diagne qui fêtera ses 70 ans ce mois de septembre 2011.

Le théâtre sénégalais orphelin. Le comédien Golbert Diagne est décédé, ce vendredi, 3 avril. Il a succombé des suites d’une maladie, à l’âge de 79 ans.Que la terre de MARMIYAL lui soit légère.
Figure du 4e art, de son vrai nom, Alioune Badara Diagne, a fait les beaux jours du théâtre sénégalais avec « Bara yegoo » qui l’a définitivement propulsé devant le petit écran.

Source: Le Soleil et Chroniquesn

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